Ces anciens objectifs
manuels ont encore une certaine pertinence à l'ère du numérique. Même si certains ont une lentille
arrière énorme, non traitée, pratiquement plate, qui forme un jeu de miroirs avec le filtre IR du
capteur pour créer des bavures à pleine ouverture sur les sujets très contrastés, il suffit de ne
pas utiliser le mauvais objectif dans les mauvaises conditions. Le reste du temps, la plupart de
ces objectifs fixes ont l'avantage d'être beaucoup plus lumineux (les anglos disent "rapides") que
les zooms grand public actuels (qui font typiquement 3.5-5.6, et très vite près de 5.6 dès qu'on
monte en focale!), ils ont moins de lentilles, moins de pertes de luminosité, moins d'aberrations
(sur un capteur APS-C on n'utilise que la partie centrale de l'image). La mise au point est
manuelle (une splendeur à manipuler, construction tout métal!) mais dans les mêmes conditions
assistées (point vert) que les objectifs Canon ou Sigma modernes, grâce à la bague
russe avec puce M42 --> EOS (13). Certes, le diaphragme est manuel, mais ce n'est pas du
tout un problème: la mise au point assistée est efficace jusqu'à f:5.6 et de toute manière si on
les utilise c'est quasiment toujours pour profiter de leur grande ouverture.
En définitive, ces
vieux objectifs donnent un service que ne donne pas la fonction moderne de stabilisateur. L'idée du
stabilisateur est de pouvoir descendre en basse vitesse parce que l'objectif n'est pas assez
lumineux pour pouvoir utiliser des vitesses rapides en faible lumière. Mais alors le stabilisateur
invite à des vitesses lentes qui n'arrêtent plus le mouvement du sujet. Pour ça, pas de
secret, il faut des objectifs, télés ou zooms "L" qui ouvrent à 2.8 ou plus et qui coûtent le prix
d'une suite au Ritz Carlton, ou des objectifs fixes à vis M42 (type Pentax, Zenit, etc...) dont certains
coûtent aujourd'hui une bouchée de pain.
Voici le détail de ma petite collection.
Les noms des objectifs sont transcrits exactement (MAJ./min.) tels que gravés sur la bague
frontale. Écrivez-moi si
vous avez des informations complémentaires, ou contradictoires, ou si vous souhaitez échanger des
résultats d'expérience!
OBJECTIFS GRAND
ANGLE (en 24x36. Voisins de la focale standard en APS-C.)
- Super-Multi-Coated TAKUMAR 3.5/28mm (1971-1979). Équivalent d'un 45mm
sur plein format. Très compact, excellent piqué même à 3.5 (il est très difficile de différencier
une photo faite à 3.5 et une autre faite à 5.6, à moins de regarder à 1:1 sur les bords).
Aberration chromatique latérale bien présente sur les bords (mais modérée et totalement corrigible
dans Lightroom), alors qu'elle est plus faible à 28mm sur le "kit" 17-85mm de Canon qui "ferme"
déjà à 4,5 à cette focale. Très peu de distorsions, contrairement à la zone grand angle du "kit"
(qui est pire à 17mm!). En résumé, il tient la route en particulier si on a besoin de gagner un
cran de diaphragme par rapport au "kit".
- Soligor 2.8/28mm. Construit par Tokina en 1967 (n° de série 1672965).
Utile quand on a vraiment besoin de 2.8 à cette focale. Ne se fait pas remarquer par un piqué
extraordinaire.
- Super-Takumar
2/35mm version 1, diamètre du filtre ou pare-soleil: 67mm, parfois qualifié parfois de
"Pro" (mais pas par Pentax!). Correspond à peu près à une focale de 56mm sur plein format,
lorsqu'utilisé avec capteur APS-C. Volumineux et lourd, réputé pour ne pas introduire de
distorsions. Vraiment nettement plus piqué que le suivant (ci-dessous) au centre et
sur les bords, et pour cause: les aberrations chromatiques ne commencent à apparaître sur les bords
qu'à l'échelle 2:1 (en APS-C)! À 1:1 elles sont négligeables et ne nécessitent pas vraiment de
correction. L'image est un peu moins contrastée que celle que produit le "kit" zoom de Canon
17-85mm, mais même à f:2 elle est d'une qualité respectable qui soutient la comparaison (pourtant
le 17-85 "ferme" déjà à f:5 à la focale de 35mm!) Pour moi il a mérité sa bague M42-EOS
de Big_IS en permanence, et tant pis pour son poids et la taille de sa lentille frontale. Caveat:
il n'aime pas, à pleine ouverture, les juxtapositions de hauts contrastes de lumière, qui
bavent (il y a du verre là-dedans, et pas S-M-C!) Vu la taille de la lentille frontale, il y a un
risque de "flare", mais un pare-soleil 67mm serait encombrant, et devrait être adapté à l'APS-C,
comme pour un 50 mm plein format: difficilement trouvable. Vu en vente sur eBay (par un crocodile)
pour 383$US, sous-prétexte de sa rareté, car produit seulement entre 1966 et 1968).
- Super-Takumar 2/35mm (1967), bague filtre de 49mm. Très mou
(cotonneux) à f:2 même au centre, comme j'ai pu le lire ailleurs. À f:4,5, le piqué
n'atteint pas tou à fait celui du "kit" à pleine ouverture et à 35mm, surtout sur les bords.
Aberrations chromatiques latérales criantes sur les bords (même en APS-C). Pourtant "mint",
sans aucune trace de tripotage. Selon moi, c'est un exemple démontrant que plus compact et plus
moderne ne signifient pas forcément plus performant (voir la version précédente ci-dessus!). Son
atout résiduel est sa compacité, même pas son ouverture théoriquement intéressante à f:2.
- Super-Takumar 3.5/35mm (1967). Très bon piqué. Encore plus compact.
Utilisation moins pertinente vu son ouverture.
LIMITATIONS REMARQUÉES
Un problème apparaît avec certains "grands angles", surtout à ouverture
maximale (Super-Takumars
2/35mm version 2, 3.5/28mm). On remarque souvent un effet de bavure horizontale
près des bords, un peu similaire à un effet de bougé latéral. La cause la plus plausible
que j'ai pu trouver en lisant les forums sur ces anciens objectifs serait la conception actuelle
des capteurs APS-C qui n'aiment pas recevoir la lumière sous un angle trop fermé. D'ailleurs ça ne
se produit pas avec les télé-objectifs même anciens: on pourrait incriminer chez les grands angles
l'incidence particulièrement oblique de la lumière sur les bords du capteur et...(?) de son filtre
infra-rouge, lorsque la lentille arrière est aussi proche que possible de la zone de déplacement du
miroir. Par contre, chose certaine, dépasser le réglage de l'infini (si la bague d'adaptation le
permet!) est dramatique pour les bords d'abord! Insérer 3 minces cales bien choisies entre
l'objectif et la bague règle le problème (vérifier en Live View!).
Contrairement à ce qu'on pourrait croire, la mise au point manuelle est beaucoup plus délicate sur
les grands angles que sur les téléobjectifs, même sur un 40D avec le capteur central et la mise au
point assistée du point vert, ou même en Live View. Après des tests soignés à 5.6, mes objectifs
28mm et 35mm demeurent bien plus "piégeux" à manier que les téléobjectifs. En particulier, l'image
en Live View n'a pas la même "gueule" (et si on va trop vite conduit à des mises au point manuelles
légèrement différentes) lorsqu'on effectue la mise au point à pleine ouverture ou à 5.6. Non, il ne
s'agit pas d'un manque de précision résultant du diaphragme plus fermé.
Tous ces grands angles (du moins considérés comme tels en plein format) donnent au centre une image
aussi propre que le 17-85mm de Canon à focale identique et à 5.6, avec pas plus d'aberrations
chromatiques sur les bords (le 17-85mm n'a des aberrations outrancières que du côté de
17mm). Mais pour la propreté des bords parmi mes trois 35mm c'est le Super Takumar version 1 qui
donne les bords les plus définis. Finalement, l'intérêt réel de ces objectifs réside dans leur plus
faible distorsion que le 17-85mm de Canon, c'est flagrant, et cela leur peut leur donner la
préférence dans le cas de photos d'architecture.
FOCALES STANDARD (en 24x36. Petits télés ou objectifs à
portraits en APS-C.)
- Super-Takumar 1.4/50mm, modèle II à 7 lentilles dont une au thorium
(1965, discontinué en 1971). Comme les précédents, n'est pas "multi-coated". Inutilisable à
pleine ouverture à contre jour ou avec les sujets trop violemment contrastés (à moins de
souhaiter des bavures garanties, surtout sur les bords) et d'ailleurs il est "mou" à 1.4. Ce modèle
a une lentille légèrement radioactive au thorium jaunissant avec le temps. Inconvénient mineur en
numérique, l'équilibrage du blanc étant facile en RAW. Piqué fantastique
en lumière non violente ou aux alentours de 5.6.
- PENTACON auto 1.8/50mm
. Mise au point minimale: 33cm. Se prête bien à utilisation inversé sur soufflet macro. Serait une
version subséquente du Meyer Optik Oreston.
- Super-Multi-Coated TAKUMAR 1.8/55mm (1971). C'est le meilleur piqué,
même à 2.8, avec le Carl Zeiss Jena suivant, et aussi le meilleur rendu des couleurs parmi mes
objectifs dans cette zone de focales. Utilisation très pertinente! La mesure de lumière est très
correcte même en macro avec des bagues allonges.
- Carl Zeiss Jena Biotar 2/58mm (1960). Serait produit à partir de 1950.
Modèle à armement du diaphragme (10 lames!). Excellent piqué, surtout vers 5.6, assez similaire au
Takumar 1.8 55mm ci-dessus, difficile à différencier de ce dernier sinon par ses teintes un peu
moins chaudes. Mise au point minimale: 60cm. MAIS: selon moi, contraste et définition peu
acceptables sur les bords à pleine ouverture (même en APS-C) sinon pour du
portrait doux, et sujet à bavures dans les contrastes violents un peu comme le S-Tak 1.4/50mm.
Quelques détails ici.
- HELIOS-44-2, 2/58mm. Modèle 1.b de KMZ. Réputé être une copie du
précédent CZJ, même excellent piqué. Comportement assez similaire, mais nettement meilleur sur les
bords (traitements de lentille plus récents?). Diaphragme de 8 lames à bague non crantée, bague de
présélection, n° de série 7530606, "Made in USSR" en caractères
latins, et graduation unique en pieds (pas de mètres), distance minimale 1,6 pied. Probablement
construit en 1975 pour l'exportation (n°7530606), donc pas le vendredi soir ni le lundi matin, et
pas de bulles dans le verre...
TÉLÉOBJECTIFS
- Meyer-Optik Görlitz Orestor 2.8/100mm (avant 1966). Très bonne
définition. Basé sur la conception du Sonnar. Plutôt rare.
- Super-Multi-Coated TAKUMAR 2.8/105mm (1971). Excellente propreté même
à pleine ouverture. Un délice.
- ZENITON TELEPHOTO 3.5/135. Fabrication japonaise: c'est écrit dessus
mais j'aimerais en savoir plus. Bague à présélection, bague de diaphragme non crantée. Intérêt
diminué vu les autres options en 135mm, mais diaphragme à 12 lames (ça devient rare), donnant une
ouverture circulaire et un bokeh très doux. Très bien à pleine ouverture. Avantages marginaux: très
compact, diamètre de filtres 49mm.
- Super-Multi-Coated
TAKUMAR 2.5/135 modèle II à 6 lentilles (1973-1979). Le plus lumineux des
téléobjectifs du type Takumar. Chaque fois un piqué surprenant même à pleine ouverture où il est à
peine moins performant, mais il faut observer à l'échelle 1:1 pour s'en apercevoir. «It outperforms the legendary Carl Zeiss 135/2.5 in terms of resolution and
contrast.» C'est un don du ciel, trouvé chez Photo Presto de Québec, avec son pare-soleil
d'origine.
- IMAGE 2.8/135mm SUPER COATED LENS MADE IN JAPAN. Propre, même à pleine
ouverture, mais inférieur au précédent. IMAGE était une marque importée au Canada pour Astral Photo
(vendue à Black Photo Corporation en 1996), surtout des zooms bas de gamme semble-t-il, et en
focales fixes apparemment seulement un 2.8/28mm et ce 2.8/135mm. Constructeurs probables: Samyang
en Corée, Kiron au Japon. Je recherche toujours des renseignements plus précis sur cette optique
(n° de série 56396, diamètre filtre 55 mm).
- Vivitar AUTO TELEPHOTO, 3.5/200mm en monture T4 (fabriqué par Tokina
selon Wikipedia, probablement
en 1975 ou 1985 selon Cameraquest),
possiblement "à partir de 1972" selon le database d'Attila à MFlenses.
Excellent à 5,6 et très acceptable à pleine ouverture. Tendance à liserés rouges dans les
contrastes extrêmes (ex.: neige et ombre). Mais une autre belle trouvaille pour un prix modeste.
- Doubleur de focale, principalement pour le suivant. On perd la mise au
point assistée, et on perd son temps aussi, dans une grande mesure...
- Cosinon 5.6/300mm (avant 1968). Eh bien oui, ça fonctionne bien, piqué
propre, mais mise au point délicate et conception antique très encombrante (trop vieux-jeu pour
servir à frimer). Que ce soit à pleine ouverture ou à f:11, le résultat est meilleur, surtout dans
les coins (APS-C), que le zoom moderne Sigma 70-300mm aux mêmes ouvertures et surtout à la focale
300mm (voir au bas de la page).
AUTRES
- SIGMA ZOOM-K 4-5.6/70-210mm (1988), dit «le mal aimé» car,
contrairement à la plupart des focales fixes précédentes, il n'est pas plus lumineux que les zooms
grand public modernes. Par contre, sa taille réduite (9 cm!) et sa discrétion le rendent
particulièrement pertinent pour voyager léger ou faire du portrait volé (à
l'extérieur). Sa conception à pompe est bien pratique pour régler d'une seule main la focale et la
mise au point. Avec le 40D et la bague russe qui lui fait croire à un objectif ouvrant à f:2, la
mise au point assistée du point vert est particulièrement pointue et facile (senseur central seul),
même à 5.6 d'ouverture réelle et dans une salle peu éclairée. Évidemment, comme souvent chez les
zooms il devient un peu mou en bout de course vers 180/210mm, avec de légères aberrations
chromatiques dans les coins (peu visibles en taille écran et facilement corrigées) et un peu cochon
sur les bords latéraux. Mais en fin de compte, le glisser dans un petit fourre-tout à 2 places,
c'est beaucoup mieux que rien pour faire des cartes postales. L'heure de sa retraite
n'est pas arrivée.
- Soufflet macro (Pentax Bellows II)
- Duplicateur de film ou diapositives
- La bague russe pour 42mm à vis munie d'une puce permettant de faire
croire au boîtier EOS qu'un objectif EF ou EF-S est monté, et permettant d'utiliser le point vert
de la mise au point manuelle assistée (elle est effective jusqu'à f:5,6 et parfois f:8). Une
bénédiction! Inconvénient mineur: les EXIF portent toujours les indications bidon: «135mm f:2» (des
puces portant diverses variantes de ces valeurs ont existé, et maintenant des puces programmables
permettent d'insérer la focale et l'ouverture maximale après une manipulation pas simple, qui
incite à acheter une bague pour chaque objectif!). Pourquoi f:2 et pas une autre valeur? Parce que
les boîtiers pro et expert (ou semi-pro, les appellations ne sont pas officielles!) de Canon ont un
senseur de mise au point beaucoup plus précis (au centre) actif seulement lorsque les objectifs
montés sont plus lumineux que 2.8, ce qui fait une énorme différence dans la précision. En gros, en
exagérant à peine, la zone de supposée netteté (là où le point vert demeure allumé) n'est
plus une plage dont il faut évaluer le milieu, mais un point précis. On
fonctionne très agréablement en modes Av ou M (priorité ouverture ou manuel). Plus
de détails ici.
Les bagues programmables, dites EMF, de Big_IS
Même si rugift.com vend les
mêmes 3 fois plus cher, il serait temps de ne pas dénigrer les fabrications chinoises. À 11,88$ chacune, vous pouvez en offrir à tous vos objectifs M42 que vous
comptez utiliser régulièrement. Et la finition est digne de l'horlogerie. Avantages: une fois
programmées (cela se fait à partir de l'appareil photo, em mode M) vous retrouverez dans les exifs
de vos photos la focale de l'objectif, et soit l'ouverture maximale soit l'ouverture employée,
selon la méthode de prise de vue que vous préférerez. Si vous ne voulez pas vous casser la tête,
ces bagues programmables peuvent donner exactement le même service que la bague avec puce non
programmable: vous fermez le diaphragme comme vous voulez, mais en montant l'objectif il ne faut
pas oublier de régler sur l'appareil son ouverture maximale (sous peine de fausser la mesure de
lumière). En plus, vous pouvez régler pile-poil l'allumage du point vert en vérifiant une fois pour
toutes si votre ensemble appareil + tel objectif M42 a tendance à faire du front focus ou du back
focus. Cela exigera peut-être une petite heure et de 30 à 90 déclenchements-bidon (c'est comme cela
qu'on introduit les paramètres dans la puce) mais cela vous redonnera confiance dans ce point vert,
après avoir vérifié qu'il est maintenant aussi précis que le réglage en Live View + loupe 10x. Pour
vous donner une idée plus détaillée, consultez ce mode d'emploi, mais corrigez mentalement l'erreur de traduction qui traîne
partout, ce n'est pas la date qui est sauvegardée sur la puce, mais les données (data)!
Pour la recherche du bon paramètre corrigeant le front ou back focus, je n'ai
pas utilisé la méthode consistant à photographier une règle graduée dans une perspective
d'autoroute: on ne connait PAS les limites de la surface réelle où joue la fonction de mise au
point, et on ne sait pas, à l'intérieur de cette surface, quel détail la logique numérique choisira
pour décider que c'est ÇA qui est supposé être le plus net. On risque donc de se retrouver à
trimbaler le même problème que le piaf photographié dans du gazon en mise au point auto. J'ai opté
pour une mire bien perpendiculaire à l'axe optique, mise au point d'abord avec le Live View (qui ne
ment jamais). Si le bon paramètre a été trouvé, une demi-pression sur le déclencheur DOIT allumer
le capteur central et le point vert. Aucun compromis possible.
(Non représentées) Série de bagues allonges EDIXA, largement suffisantes pour
bien des travaux de macro, et bague d'inversion a vis 49mm/M42 qui permettent un joli choix
d'objectifs.
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